Il me semble parfois que Dieu, en créant l'homme, ait quelque peu surestimé ses capacités. (Oscar Wilde)

S'il y a bien un mystère dans l'univers, c'est de savoir pourquoi les gens ne sourient pas. Ils trouvent toujours des centaines de raisons différentes pour paraître mornes et déprimés, mais la véritable raison, ils ne préfèrent pas la connaître. Cela leur fait trop peur. Il ne faut pas trop fouiller dans les méandres de l'âme, c'est bien trop dangereux, on risquerait de perdre la tête ! Charlie, lui, préférait prendre sa peine et jouer avec. C'est la meilleure façon de garder toujours le sourire. C'est sûr qu'il énervait sûrement beaucoup de monde avec sa philosophie au rabais, mais en attendant, ça fonctionnait !

Ce jour-là, il se promenait dans le parc, savourant les rayons de soleil mordants, lorsqu'il aperçut une connaissance assise sur un banc, non loin. Il souleva aussitôt son petit chapeau, tout heureux de trouver un visage familier (il faut préciser qu'il se sentait plutôt seul depuis son dernier divorce) et s'élança vers le banc avec un grand sourire... qui disparut bien vite en constatant que son ami tirait une tête de six pieds de long. Le pauvre... si jeune et déjà si affligé ! Si ça continuait comme ça, à 50 ans, il serait bossu et dépressif !

Charlie se devait de faire quelque chose pour lui. Il se sentait investi d'une mission en sa présence. Pourtant, rendre le sourire à Joseph Gordon-Levitt était un travail de chaque instant ! Ne se départant pas de sa bonne humeur habituelle, Charlie prit place juste à côté de lui et le poussa un peu, histoire de le remuer. Hélas, il n'y eut aucune réaction positive. Le petit homme soupira, quelque peu agacé, et se tourna vers lui, pour pencher la tête et la tourner vers son visage, afin de voir l'étendue des dégâts. Il avait l'impression d'être revenu quelques mois en arrière, lorsqu'ils s'étaient rencontrés dans un casting et qu'il avait déployé toutes les ruses de la comédie pour lui arracher un sourire.

"Alors ? Qu'est-ce qui ne va pas, cette fois-ci ?" demanda-t-il d'un ton un peu exaspéré.

Il avait toujours la tête levée vers lui, essayant de distinguer le moindre petit changement d'expression.

"Ta mère t'a appelé et elle veut manger chez toi dimanche ? Tu as rompu avec ta cinquantième petite amie ? Tu as perdu ton tube de dentifrice ? D'un côté, ça expliquerait l'odeur bizarre..."

Il se recula avec une grimace qu'il transforma en sourire, et croisa les jambes pour mieux l'écouter. Il fallait être patient avec Joseph, il ne se livrait pas facilement. Charlie songea qu'il aurait dû demander le paiement de ses honoraires. Il était devenu son psy, il aurait dû revendiquer ses droits !